En collaboration avec SOS Hépatites
Quand le foie est trop abîmé pour remplir ses fonctions, il ne reste qu’une possibilité : la greffe. Elle consiste à remplacer le foie malade par un foie sain, prélevé (la plupart du temps) sur un donneur en état de mort cérébrale.
Quelque 1 300 à 1 400 greffes de foie sont pratiquées chaque année en France (données 2015), pour 3000 candidats en moyenne. Autrement dit, plus de deux candidats pour un seul donneur !
Pour savoir qui peut bénéficier d’une transplantation, il faut donc répondre à deux questions successives :
– est-ce que la greffe est justifiée ?
– et si oui, est-ce que le malade est prioritaire ?
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Dans quels cas une greffe du foie se justifie-t-elle ?
On envisage une greffe de foie lorsque celui-ci n’est plus à même de remplir ses fonctions vitales. Cela peut notamment être le cas :
– en cas de cirrhose avancée (cirrhose décompensée),
– en cas de cancer du foie,
– en cas d’hépatite , à condition qu’un greffon soit disponible…
En 2015, la cirrhose a représenté 51% des indications de transplantation hépatique, devant le cancer du foie (37%).
Qui est prioritaire ?
Comme il n’y a pas suffisamment de greffons, il faut définir des priorités : les personnes les plus gravement atteintes passent avant celles qui peuvent attendre. Mais pour que l’intervention ait des chances de réussite, il faut que l’état général du malade le permette : une insuffisance hépatique trop sévère augmente les risques de complications opératoires et post-opératoires, et donc les chances de survie… On considère que la greffe doit être tentée si les chances de survie à 5 ans sont d’au moins 50%.
En France et dans de nombreux pays, le principal critère retenu pour objectiver les priorités en cas d’insuffisance hépatique est le score MELD (Model for End-stage Liver Disease, autrement dit modèle pour hépatite avancée), qui intègre divers paramètres et les croise avec l’origine de la cirrhose. Mais ce score MELD ne dit pas tout. Il peut – et doit – aussi être complété par un avis d’experts, tenant compte de critères spécifiques.
Une longue attente… et parfois une sortie de la liste
Certaines personnes, pourtant en cirrhose décompensée, ont donc des difficultés à accéder à la greffe car d’autres patients se trouvent dans une situation plus grave que la leur.
Le temps passé sur la liste d’attente est variable, mais il peut atteindre un an ou plus. Bien entendu, le suivi attentif de ces personnes est indispensable (scanner et IRM tous les trois mois). Si leur situation s’aggrave, elles deviennent à leur tour prioritaires.
Mais avec les nouveaux traitements contre l’hépatite C, un autre phénomène peut se produire : certaines personnes éligibles à une greffe du foie et qui ont réussi à se débarrasser du virus voient leur situation s’améliorer au point qu’elles ne sont plus considérées comme des candidates à la transplantation et sortent de la liste d’attente.
Stratégies pour faire face à la pénurie
Pour faire face à la pénurie de greffons prélevés sur des personnes en état de mort encéphalique, plusieurs stratégies sont possibles. En raison de la très grande capacité de régénération du foie, on peut prélever une partie de foie à un donneur vivant, ou bien partager un foie entre deux receveurs…
Le donneur vivant
Le don d’organe par un donneur vivant se pratique surtout pour le rein. Mais on peut aussi envisager un prélèvement d’un lobe de foie sur donneur vivant. Peuvent être autorisés à se prêter à un tel prélèvement le conjoint du receveur, ses frères ou sœurs, fils ou filles, grands-parents, oncles ou tantes, cousins germains et cousines germaines ainsi que le conjoint de son père ou de sa mère. Le donneur peut également être toute personne apportant la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans avec le receveur. Bien sûr, le donneur doit être « compatible » au niveau génétique. Il doit aussi être majeur, et préalablement informé par un comité d’experts.
La bipartition du foie (split)
Il est possible de scinder un foie en deux parties, et d’implanter chacune de ces parties sur un receveur différent. Malheureusement, cette bipartition est rarement possible chez deux adultes : la partie du foie gauche, très petite, ne peut être greffée efficacement que sur un enfant ou un adulte de très petite taille.
La transplantation domino
En cas de maladie neurologique héréditaire liée au foie, on peut pratiquer une transplantation “domino”. Une personne atteinte de cette maladie doit, à terme, bénéficier d’une transplantation. Mais son propre foie, bien que porteur de l’anomalie génétique, peut à son tour être implanté sur une autre personne qui a un besoin urgent d’une transplantation. La maladie peut apparaître ensuite chez le receveur, mais de nombreuses années plus tard seulement.
Le donneur positif pour le virus de l’hépatite C
Désormais, avec les progrès spectaculaires des traitements de l’hépatite C, on peut envisager de transplanter des foies dont le donneur est positif pour les anticorps anti-VHC. En cas de récidive de l’hépatite C, le receveur sera traité avec de très fortes chances de succès .
Au quotidien
Avant la transplantation, la période d’attente peut être extrêmement angoissante, tant pour le malade que pour ses proches. On n’ose pas s’absenter, on a le téléphone en permanence à portée de main, et l’on peut se sentir impuissant face à l’avancée de la maladie. Il est important de ne pas rester seul pendant ces moments de doute, et de pouvoir les partager avec des tiers, psychologues, soignants ou autres malades.
La période précédant la transplantation peut aussi être mise à profit pour faire le point sur la situation sociale de la personne en attente de greffe, en faisant un bilan avec une assistante sociale de l’hôpital ou du centre de greffe, dès le bilan pré-greffe. On peut aussi rencontrer une assistante sociale de proximité (Centre communal d’action sociale, Conseil départemental, Sécurité sociale, etc.) ou présente dans certaines associations. C’est un moyen utile de ne pas rester inactif face à la maladie, et de se projeter dans l’après-greffe.
Après la transplantation, c’est une tout autre période de la vie qui commence, toujours rythmée par le suivi médical et les prises de médicaments.
Alimentation
Après la transplantation hépatique, vous pouvez retrouver une alimentation quasi normale. Il faut toutefois être extrêmement vigilant pour prévenir toute infection alimentaire, dont les conséquences peuvent être particulièrement graves sur une personne sous traitement antirejet.
Votre alimentation doit être variée, équilibrée et aussi régulière que possible, en raison des contraintes posées par les différents médicaments (3 repas par jour, et éventuellement 1 ou 2 collations). Elle doit également tenir compte des médicaments antirejet, et notamment des corticoïdes qui favorisent la rétention d’eau, la prise de poids et le diabète.
N’hésitez pas à lire notre article à ce sujet.
Prévention des infections alimentaires
Durant les six premiers mois suivant la greffe, vous devrez également :
– éliminer les aliments suivants : charcuterie à la coupe, lait et produits laitiers crus, coquillages crus et peu cuits, poissons fumés, tarama, graines germées, œufs crus ou peu cuits, mousse au chocolat, mayonnaise maison, mayonnaise au rayon traiteur, légumes crus ou mal lavés, viande et poissons peu ou pas cuits ;
– bannir les glaçons et les carafes filtrantes, qui peuvent être des nids à microbes ;
– manger frais en respectant bien les dates de péremption et en ne gardant pas les restes plus d’un jour dans votre réfrigérateur ;
– respecter l’hygiène de la cuisine : se laver les mains avant de préparer ou de prendre ses repas, nettoyer régulièrement le réfrigérateur avec de l’eau de Javel diluée dans de l’eau froide.
Autres règles à respecter
– Hydratez-vous bien, tout en évitant les eaux trop salées qui favorisent la rétention.
– Oubliez l’alcool, en raison de sa toxicité sur le foie.
– Limitez la consommation de sucre et de produits sucrés (sucre, confiture, chocolat, biscuits, pâtisseries, sodas…) pour prévenir une prise de poids trop importante.
– Évitez le pamplemousse dont les composants interagissent avec le traitement immunosuppresseur.
Activité physique
La reprise d’une activité physique est importante après la greffe car elle permet de lutter contre le surpoids, l’hypertension artérielle et le diabète. A chacun de choisir une activité adaptée à ses goûts et à son état de santé, tout en évitant les pratiques violentes susceptibles de léser le foie.
Les activités extérieures douces, comme la marche ou le vélo, sont tout à fait recommandées, en dehors des périodes de forte chaleur et à condition de bien s’hydrater.
Les premiers mois, le port d’une ceinture abdominale s’impose pour soutenir les muscles abdominaux faibles après la greffe.
Les adeptes de la natation devront atteindre le retrait du drain biliaire s’il en a été posé un.
Santé quotidienne
Pensez à bien protéger votre peau des rayons solaires : la baisse des défenses immunitaires favorise la survenue des cancers de la peau. Consultez un dermatologue une fois par an, et pour tout grain de beauté ou bouton qui change de forme ou ne se soigne pas.
Signalez à votre médecin toute fièvre supérieure à 38 °C, tout autre signe d’infection (rhume, infection urinaire, boutons sur la peau, perte de poids…) ou tout ce qui vous paraîtrait bizarre et inhabituel. Vos défenses immunitaires étant affaiblies, une infection doit être rapidement traitée.
Pour limiter les risques, il est important aussi de se faire vacciner (minimum six mois après la greffe), en particulier contre la grippe, les hépatites A et B et le pneumocoque. En revanche, tous les vaccins vivants sont contre-indiqués (fièvre jaune, BCG, ROR, grippe vivant atténué et varicelle).
Sachez enfin que certains soins dentaires un peu lourds, avec risque d’infection (une extraction par exemple) peuvent justifier la prescription d’un traitement préventif par antibiotique (mais pas n’importe lequel !).
Sexualité et grossesse
Il n’y a pas de contre-indication médicale aux relations sexuelles après une greffe. Cependant, les traitements antirejet peuvent aussi entraîner des problèmes de libido ou d’excitation (érection, lubrification).
La transplantation rétablissant le cycle menstruel, les femmes en âge de procréer devront donc envisager une méthode de contraception, qui doit être discutée avec le médecin (notamment pour la pilule).
Une grossesse peut être envisagée après une greffe du foie, mais il est préférable d’attendre au minimum 1 an, quand le risque de rejet diminue. Le traitement immunosuppresseur sera maintenu, mais devra peut-être être modifié. Un tel projet nécessite une concertation entre hépatologue et gynécologue pour que le suivi soit optimum.
Travail
La reprise du travail dépend bien sûr de votre état et de la nature de ce travail, mais elle ne doit pas être trop précoce. C’est l’hépatologue qui fixe la durée initiale de votre arrêt de travail, mais la date de reprise relève du médecin du travail. Cette reprise peut être progressive, dans le cadre d’un temps partiel thérapeutique.
Conduite
Comme pour le travail, la reprise de la conduite automobile doit être progressive : conduire n’est pas un acte anodin ! Faites-vous accompagner les premières fois, et commencez par de petits trajets.
Voyages
Avant de partir en voyage, parlez-en au médecin qui assure le suivi de la greffe. Vous devrez notamment :
– mettre à jour vos vaccinations (attention toutefois, les vaccins vivants, comme celui de la fièvre jaune, sont contre-indiqués aux transplantés) ;
– prévoir vos médicaments pour la durée du voyage (attention, certains sont à tenir à l’abri de la chaleur) ;
– vérifier que vous êtes bien couvert pour un éventuel rapatriement Dès que vous programmez votre voyage, prenez rendez-vous avec le médecin qui assure votre suivi de greffe. Il faut s’assurer que votre assurance couvre les frais médicaux et un éventuel rapatriement.
Vous souhaitez connaître les étapes d’une greffe de foie? Lisez notre article